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Les différences essentielles entre al-Qaida et l’Etat islamique

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29 décembre, 2015
Note
Dr Marcin Styszynski


Afin de mieux comprendre les risques représentés par l'Etat islamique (EI), il est important de confronter et de comparer les capacités militaires et opérationnelles de cette organisation avec sa rivale, al-Qaida, qui jouait, avant l'apparition de l'EI, un rôle essentiel dans le djihad global. Les différences concernent trois critères fondamentaux : l'idéologie, la stratégie et l'économie. 

  Al-Qaida l'Etat islamique – (EI)
Idéologie 

L'organisation a tenté, à maintes reprises, de renverser des gouvernements dans le monde arabo-musulman afin d'imposer la charia.

Néanmoins al-Qaida n'a jamais réussi à s'établir.

Ses objectifs poursuivaient toujours le même idéal théologique qui autorisait et justifiait ses activités terroristes dans le monde entier.     

L'organisation d'Abou Bakr al-Baghdadi a réussi à  réaliser les objectifs poursuivis par les premiers groupes djihadistes, y compris al-Qaida.

L'EI a créé en 2014 le califat mythique et a établi des institutions et des structures logistiques s'appuyant sur la charia et sur les idées présentées par les idéologues historiques comme Sayyid Qutb ou Abdallah Azzam.

L'établissement du califat a influencé d'autres groupes djihadistes qui ont déclaré leur allégeance à al-Baghdadi. En outre, le succès de l'EI a encouragé les partisans du djihad à rejoindre le théâtre de la  guerre au Proche Orient et à commettre des actes terroristes en Occident.      

Stratégie

L'objectif essentiel consistait à provoquer une offensive militaire de l'Occident dans le monde arabo-musulman afin d'accélérer l'instabilité et la chute des autorités régionales qui empêchaient  la réalisation des projets djihadistes.  

L'organisation se concentrait essentiellement sur des attaques terroristes spectaculaires et symboliques perpétrées dans le monde entier.

Les attentats du 11 septembre 2001 sont le meilleur exemple; ils ont provoqué l'engagement militaire de l'Occident en Afghanistan et en Irak. 

La préparation d'attaques terroristes exigeait du temps, des efforts logigistiques et des moyens financiers très importants et donc le soutien de pays ou de personnes très influentes.

Leurs objectifs ne concernent plus la provocation de l'Occident puisque le califat a déjà été établi.

Les attaques terroristes deviennent donc une riposte brutale contre l'engagement militaire de l'Occident en Syrie et en Irak. C'est aussi une sorte de la politique défensive de l'EI, destinée à affaiblir les réactions occidentales contre les structures de l'organisation.

En même temps, l'EI mène une guerre asymétrique ciblant différents pays dans le monde entier. En effet, chaque acte terroriste force des autorités à changer de stratégie et à multiplier leurs efforts contre l'EI.

C'est le cas, par exemple, des activités terroristes en Europe ou dans des pays comme la Libye ou l'Egypte. Les Etats concernés sont obligés de modifier leur politique défensive et d'intensifier ou de ralentir leurs opérations militaires.

En outre, leurs attaques terroristes ne sont pas aussi spectaculaires et ne visent pas des cibles symboliques de l'Occident. Ils ciblent avant tout des endroits très fréquentés et s'attachent à être imprévisibles.

Leurs objectifs ne concernent plus la provocation de l'Occident, mais ils sont une riposte brutale contre l'engagement militaire au Proche Orient.

Dans cette forme d'attaque, les moyens logistiques et financiers restent limités et ne nécessitent plus une longue préparation.

Par ailleurs, les attentats sont perpétrés par de petits groupes de deux ou trois personnes, parfois d'une seule, qui n'ont pas besoin de formation militaire et qui utilisent des armes simples comme des fusils d'assaut ou des pistolets accessibles à l'achat sur le marché noir. Ils peuvent utiliser également des couteaux ou des bombes artisanales de faible puissance.

Malgré leurs limites opérationnelles et militaires, ces attentats visent des cibles très fréquentées comme des restaurants, des cinémas, des  stades ou des salles de concert. De cette manière, les attaques sont effrayantes, elles provoquent la peur, l'incertitude et l'insécurité dans la societé.

Parralèlement, l'EI a abandonné les attentats terroristes dans les terrirtoires qu'ils contôlent en Syrie ou en Irak. Ils ont été remplacés par l'action des services de sécurité et  de la police morale qui surveillent l'observation de la loi. Toute désobéissance est cruellement punie, parfois même par des exécutions sauvages.  

Economie

Les finances de l'organisation reposaient essentiellement sur des donations et des transferts d'argent de la part de leurs sympathisants.

Des fonds provenaient également  des bénéfices réalisés par des  entreprises géres par des membres de l'organisation, y compris son chef Osama bin Laden.

La lutte antiterroriste et la surveillance des transferts bancaires ont affaibli ses capacités financières et donc sa puissance opérationnelle.     

Les donations constituent seulement 5 % des revenus de l'organisation.

En revanche, l'EI génère ses propre revenus grâce aux ressources naturelles comme les champs de pétrole et les gazoducs situés dans les zones qu'ils contrôlent en Irak et en Syrie.

Par exemple, l'EI s'est emparé de la plus grande raffinerie d'Irak et des barrages de l'Euphrate.

L'organisation a également pris le contrôle des banques et des commerces locaux.

Leurs revenus proviennent aussi  des  impôts qu'ils prélèvent et de la contrebande.

Conclusions

Les différences entre ces deux organisations démontrent que les capacités idéologiques et opérationnelles de l'EI sont plus efficaces et plus dangereuses que celles d'al-Quaida. L'EI a tiré des enseignements des échecs d'al-Qaida et de sa stratégie de long terme, concentrée essentiellement sur des slogans populistes, des attentats aux préparations longues ainsi que de son auto-subsistance grâce aux donations.  

L'organisation d'al-Baghdadi a, elle, réussi à mettre à exécution les idées propagées par les écrits des idéologues des Frères Musulmans. La puissance de l'EI s'appuie également sur les moyens financiers qui proviennent des ressources qu'elle contrôle comme de la contrebande.

Dr Marcin Styszynski
Professeur associé
Faculté des Etudes Arabes
Université Adam Mickiewicz à Poznan, Pologne

Tags:
etat islamique, terrorisme