La Russie offre aux USA un « rameau d’olivier » à Afrin
Note d'analyse
La Turquie a lancé son opération militaire baptisée « Rameau d'olivier » dans la région kurde d'Afrin, au nord-ouest de la Syrie. Ce nom de code a été révélé par le chef de cabinet turc, qui a expliqué que l'opération visait à empêcher l'expansion des Unités de protection du peuple et du Parti de l'union démocratique le long de la frontière entre la Turquie et la Syrie, qui représentaient une menace pour la sécurité nationale turque. L'attitude des USA envers les Kurdes à Afrin est des plus intéressantes. Le général américain Vottel a dit qu'il n'était personnellement « pas concerné par ce qui se passe dans l'enclave kurde au nord-ouest de la Syrie », où Washington s'est servi des Kurdes pour attaquer Daech. Mais nous ne sommes plus surpris de voir les USA veiller à leurs propres intérêts sans égard pour ceux de leurs alliés, comme les Kurdes irakiens ont pu le constater lorsqu'Erbil a déclaré son indépendance : les USA les ont alors tout bonnement abandonnés.
Quels sont les détails qui ont été convenus avant le commencement de cette opération qui a permis à la Turquie de s'aventurer dans une zone sous contrôle russe ? Comment les choses en sont-elles arrivées à pousser la Turquie à s'aventurer dans une zone sous influence russe avec sa police militaire, malgré une menace sans équivoque de Damas d'abattre tout avion turc, alors que la Russie renforçait ses positions à l'intérieur de la ville la veille même du lancement de l'opération turque « Rameau d'olivier » contre Afrin?
Sous la supervision et la gouverne des USA, les Kurdes ont combattu Daech au nord de la Syrie, de Manbij à Dabak, sans oublier Raqqa, au prix de centaines de vies. Ces forces conjointes américano-kurdes ont également convenu avec Daech, après la destruction complète de Raqqa par les forces aériennes des USA, d'assurer le retrait de milliers de combattants en échange de leur départ de la capitale de Daech, qu'ils livraient sans combattre. Daech a également accepté de laisser les très riches gisements énergétiques et d'autres villages à l'est de l'Euphrate aux forces américano-kurdes. Comme l'armée syrienne tentait d'atteindre les champs pétrolifères au moment du retrait de Daech. Cette organisation s'est vue offrir par les USA une « zone tampon » le long de la frontière, à condition qu'elle limite ses attaques à l'armée syrienne et ses alliés, et laisse les forces kurdes tranquilles.
L'administration américaine a annoncé son intention de rester en Syrie malgré la défaite généralisée de Daech, même s'il subsiste une poche de résistance encore sous la coupe du groupe terroriste dans la zone contrôlée par les USA à l'est de l'Euphrate, le long de la frontière syro-irakienne. Le secrétaire à la Défense des USA, Rex Tillerson, a affirmé que l'objectif de ses forces était de limiter l'influence iranienne, tout en déclarant des propos contradictoires au sujet de la défaite et de la non-défaite de Daech en Syrie. Pour la Russie, la position des USA était suffisamment claire : contrecarrer la présence russe et rester dans un pays qui est sous la protection de Moscou.
En outre, le prétexte allégué par les USA, « empêcher l'Iran d'étendre son influence », pour occuper une partie du nord-est de la Syrie est peu convaincant, car la présence iranienne en Syrie date de 1982 et l'augmentation de son influence est directement liée aux six années de guerre.
La forte présence kurde le long de sa frontière perturbait la Turquie, qui a demandé aux USA d'enlever toutes les armes létales des mains des Kurdes. Washington a promis de le faire, mais la Turquie a découvert plus tard que les USA n'avaient pas tenu leur promesse et que par conséquent, les Kurdes étaient en possession de missiles antichars et sol-air à guidage laser, ce qui constituait une menace directe contre les forces turques, syriennes et russes.
La Turquie a demandé à la Russie et à l'Iran, qui maintiennent un contact direct avec Damas, d'autoriser ses troupes à contrecarrer les plans des USA en Syrie en affaiblissant davantage les Kurdes. Damas a demandé à la Russie et à l'Iran d'offrir aux Kurdes la possibilité de se distancer de Washington en acceptant la présence de l'armée syrienne dans les villes de Manbij et d'Afrin en lieu et place d'une invasion turque.
Malgré la concentration des forces turques le long de la frontière et l'annonce du lancement de son opération militaire, la Turquie a attendu le feu vert des Russes et des Iraniens avant de procéder. Des représentants russes ont rencontré d'autres Kurdes pour leur dire que l'intention de la Turquie était sérieuse et qu'ils pouvaient sortir de cette situation délicate en donnant suite à la proposition de Damas. Celle-ci a été rejetée par Afrin, dont l'officier responsable restait convaincu du soutien des USA, en refusant ou en étant incapable de tirer des leçons de ce qui est arrivé aux Kurdes irakiens d'Erbil.
Une entente tacite a été conclue, en vertu de laquelle Ankara a cessé de soutenir al-Qaeda et ses alliés à Idlib et de considérer l'opération menée par l'armée syrienne à l'est d'Idlib comme une violation de l'accord de désescalade conclu à Sotchi l'an dernier. Pour sa part, la Russie a retiré son contingent de la ville et se garde d'intervenir dans l'opération « Rameau d'olivier » de l'armée turque.
Les dirigeants syriens et leurs alliés ont demandé à la Russie de leur fournir un soutien aérien à l'ouverture d'un corridor menant aux villes de Foua et Kafraya, assiégées pendant toutes ces longues années de guerre. Cependant, les dirigeants russes ont rejeté leur requête en leur demandant, à la grande surprise de Damas et de ses alliés, d'être patients, car le but est non seulement de libérer Foua et Kafraya, mais aussi toute la ville d'Idlib. Le président russe, Vladimir Poutine, est résolu à combattre al-Qaeda en Syrie afin de renforcer la position de son pays dans le monde dans la lutte contre le terrorisme.
Comme prédit l'an dernier et les faits le confirment aujourd'hui : en se fiant aux USA et à leurs belles promesses, les Kurdes de Syrie et d'Irak sont devenus les grands perdants au Moyen-Orient, à cause de l'inexpérience des dirigeants des USA et /ou de leur manque de compréhension stable (et de crédibilité) des affaires internationales. L'administration en place aux USA semble compter essentiellement sur sa puissance militaire pour maintenir son influence dans la région. Mais, elle ne possède, apparemment, pas la capacité, primordiale au Moyen-Orient, de tisser des alliances et de consolider des amitiés.
Ce qui se passe actuellement est un sérieux coup porté aux États-Unis par leur allié turc, qui est aussi membre de l'Organisation du Traité de l'Atlantique-Nord (OTAN). La Turquie brandit un « rameau d'olivier » pour porter un coup bas à l'allié kurde des USA, soit un nouveau coup soutenu par la Russie contre une administration américaine peu expérimentée, qui a décidé imprudemment de jouer dans la cour syrienne de Moscou. Les USA n'ont aucun allié en Syrie à l'exception des Kurdes du nord-est de la Syrie dans les provinces d'Hassaké et de Deir Ezzor. Sauf que ces alliés sont sur le point de subir une nouvelle partition, ce qui rendra les forces d'occupation américaines très vulnérables dans un environnement extrêmement hostile.
Traduction Daniel G
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