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Conflit du Haut Karabakh

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11 octobre, 2020
Note
Patricia Lalonde


Seul un accord politique entre les Arméniens et les Azéris, loin des contingences géopolitiques, peut éviter une déflagration dans le Caucase.
Territoire jamais reconnu par les Nations Unies ni par aucun autre Etat dans le monde, le Haut-Karabakh était en proie à ce que l’on appelle en terme diplomatique « un conflit gelé » avant la déflagration du 27 septembre. Un conflit difficile à résoudre puisque le principe d’autodétermination des peuples qui bénéficie aux Arméniens est en contradiction avec le droit international qui lui donne raison aux Azéris. 

S’il semble naturel aux défenseurs des droits de l’homme, aux chrétiens d’Orient d’apporter un soutien à l’Arménie, victime du terrible génocide de 1915, que ni la Turquie ni l’Azerbaïdjan n’ont reconnu, il ne serait pas correct de penser que les torts se situent dans un seul camp. L’Azerbaïdjan, n’a jamais accepté que les Arméniens parrainent l’indépendance autoproclamée du Haut Karabakh en 1991. Une guerre meurtrière s’en est suivie avant un cessez le feu en 1994 qui a donné lieu depuis à plusieurs escarmouches sur la ligne de front. 750.000 Azéris ont dû quitter leurs terres et ne pensent qu’à revenir « au pays ».

Les pays frontaliers se sont accommodés depuis de longues années de ce statu quo à commencer par la Russie qui entretient de très bonnes relations avec l’Arménie et y est liée par un accord de défense dans le cadre du l’Organisation du Traité de Sécurité Collective ( OTSC) et qui parallèlement vend des armes aux deux parties, azérie, comme arménienne.

Quant à la République islamique d’Iran qui reste proche de l’Arménie chrétienne, elle conserve de bonnes relations avec l’Azerbaïdjan dont elle partage une large frontière. Ces relations sont indispensables pour contenir d’éventuelles tensions dans la très forte communauté azérie chiite, deuxième ethnie  d’Iran ; et cela malgré un rapprochement de Bakou avec Israël en matière de renseignement et d’équipement militaire.

L’Azerbaïdjan contrairement à son allié turc a su entretenir de bons contacts avec tout son voisinage ainsi qu’avec l’Europe : le partenariat oriental en est un exemple ainsi que sa participation à certaines opérations dirigées par l’OTAN.     

Le groupe de Minsk regroupant la France, les Etats Unis et la Russie n’a rien pu ou rien voulu faire pour trouver une solution à ce conflit larvé et hautement inflammable.

Il ne s’agit évidemment pas d’une guerre de religion contrairement à ce que l’engagement de la Turquie auprès de l’Azerbaïdjan pourrait laisser penser. S’il est vrai, en effet, qu’Erdogan cherche à faire oublier ses échecs en Syrie et en Libye en ouvrant un nouveau front dans le Caucase, les autorités azerbaidjanaises cherchent à récupérer les territoires du Haut-Karabagh et ses provinces adjacentes.

L’Azerbaïdjan reste en effet éloigné des calculs politico-religieux du président de l’AKP et de sa volonté d’expansion dans le Caucase. Il suffit de voyager en Azerbaïdjan et pas uniquement à Bakou pour se rendre compte de la tolérance du peuple azéri en matière de religion et de leur attachement à la laïcité. 90% des Azéris sont des musulmans chiites et pratiquent un islam modéré que beaucoup de nos pays européens envieraient : église, synagogue et mosquée se côtoient à Bakou.

Pour les Azéris, Il ne s’agit donc pas d’une guerre pour aider la Turquie dans sa volonté hégémonique dans le Caucase mais d’une guerre dans le cadre du droit international. C'est en cela que le soutien d'Ankara pourrait devenir encombrant.

En effet, l’arrivée de djihadistes de Syrie et de Libye, ayant transité par la Turquie est un très mauvais coup porté à l’Azerbaïdjan et à toute la région. Nous avons vu les effets désastreux d’une telle politique menée par certains pays occidentaux dans les conflits en Syrie, en Libye et au Yémen. Des appels au djihad dans le Caucase ont été lancés. Les Azéris et les Arméniens n’ont aucun intérêt à ce que leur conflit ne devienne un nouveau terrain d’entrainement pour les djihadistes et puisse échapper à tout contrôle d’autant plus que des révoltes dans d’autres anciennes républiques soviétiques comme au Kirghizistan sont en train de déstabiliser la région et pourraient ouvrir la voix aux nombreux groupes islamistes en Asie centrale au Tadjikistan, en Ouzbékistan et bien évidemment en Afghanistan en plein pourparlers avec les Talibans.

Seules des négociations politiques entre Bakou et Erevan loin des considérations géopolitiques pourront empêcher que ce conflit ne dégénère. C’est la tâche que Serguei Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe s’est assignée en organisant une rencontre entre ses homologues azéri et arménien et qui a abouti dans un premier temps à un cessez le feu humanitaire qui pourrait paver la voix à de vrais accords politiques.

Patricia Lalonde

Ancienne députée européenne

 

Tags:
iran;, russie, turquie, arménie