Traduire
Télécharger en PDF

Coronavirus : le temps de la science est aussi celui de l’industrie

Whatsapp
email
Linkedin
Facebook
Twitter
Partager sur
23 mars, 2020
Note
Loïk Le Floch-Prigent


On entend depuis quelques jours les gouvernants en plein désarroi nous dire qu’ils vont s’en remettre aux médecins pour décider de la prochaine marche à suivre ! Mais ils pourraient aussi déclarer, puisqu’il faut bien nourrir la population, qu’ils vont s’en remettre aux commerçants pour orienter leur politique, et puis, bien sûr, aux industriels, puis aux psychologues, aux économistes et ainsi de suite. Dans un écosystème à 65 millions d’individus, nous dire que la santé étant prioritaire, elle passe d’abord par la lutte contre le coronavirus et que tous les autres objectifs disparaissent devant celui-là n’a aucun sens. Nous avons un adage qui résume bien la situation, « on va mourir guéri » ! 

 Cette gesticulation permanente conduisant à isoler un paramètre jugé essentiel et à ne plus rien regarder d’autre conduit depuis des mois au désastre industriel du pays, à son affaiblissement énergétique, à parler du « climat » et de la « planète » à n’importe quelle occasion en oubliant que nous vivons dans un pays, dans une société, aux équilibres fragiles et que chaque accélération dans un sens jugé « vertueux » et « indispensable » peut détériorer l’ensemble.

Après avoir déclaré pendant des années que l’on écoutait les scientifiques sur le climat, on a tout de même arrêté le premier réacteur nucléaire de la Centrale de Fessenheim, avec l’avis contraire d’une grande partie des scientifiques français. De la même manière, on pousse les éoliennes en mer contre l’avis de la plupart des spécialistes de la biodiversité et ainsi de suite. Le pouvoir choisit donc « sa » science et décide pour d’autres raisons. La science n’est pas une et comme le disait récemment Henri Guaino, « le propre de la science est d’être réfutable, la science n’est pas la vérité mais une méthode pour chercher la vérité, et il n’y a jamais unanimité scientifique ». Nommer un comité scientifique de dix personnes et lui demander s’il faut ou non et de quelle manière confiner la population à cause du coronavirus est une plaisanterie, on pourrait espérer que les gouvernants disposent de beaucoup plus de données pour asseoir des décisions par ailleurs mortifères pour l’économie et les rapports sociaux en particulier inter-générationnels. On vient de voir d’ailleurs de manière brutale la belle unanimité voler en éclats avec l’expérimentation de l’utilisation de la chloroquine comme antiviral, ce qui n’est une découverte que pour le grand public mal informé.

On comprend aujourd’hui qu’il y avait deux grandes lignes stratégiques entre lesquelles les gouvernements de tous les pays ont hésité : celle basée sur la multiplication de tests et le confinement immédiat de tous les cas positifs et celle basée sur un confinement de ce qui apparaissait comme foyer, comme concentration de cas. Ne possédant pas les tests, nous sommes partis sur la deuxième voie, les Sud-Coréens, même avec des tests imparfaits sur la première et les résultats sont là. Les pays qui n’ont effectué que peu (ou pas) de contrôles aux frontières sont lourdement punis, de même que ceux qui ont laissé les populations choisir leur lieu de confinement en permettant l’essentiel des déplacements par tous les moyens. Le virus a imprégné ainsi l’ensemble du territoire, en particulier des zones retirées qui n’avaient pas lieu de craindre une contagion aussi brutale. On a le droit de se tromper et on ne compte pas le nombre de bêtises qui ont été dites et faites à cette occasion, en particulier parce que, pour beaucoup encore, parler c’est agir et que la communication a été contradictoire jusqu’à ordonner le confinement en demandant à la population d’aller voter. On peut espérer plus de clarté !

Maintenant et contrairement à l’essentiel des informations envoyées quotidiennement, le problème posé au pays est industriel en y incluant la logistique. Si l’économie du pays s’effondre dans le mois à venir ce ne sera pas seulement à cause du coronavirus, ni des violences conjugales comme certains voudraient encore nous le rappeler. Si la population peut encore survivre, ce n’est pas à cause du télétravail célébré par les gouvernants mais grâce à des producteurs, des livreurs et de l’ensemble de la logistique correspondante. Que l’on arrête de choisir entre l’industrie indispensable et l’autre. Quelle autre ? Le système industriel se tient par la barbichette, si une activité disparait, les autres sont orphelines et doivent s’arrêter et ce sont les ouvriers, les techniciens, les chauffeurs, ceux qui sont en contact avec les machines et les produits qui permettent au pays de vivre et de garder encore une certaine cohésion. Supprimer un marché ouvert c’est bousculer un château de cartes dont on ne connait pas la chute finale, c’est jouer aux apprentis sorciers, c’est ce à quoi jouent nos gouvernants sans même s’en rendre compte. Déclarer qu’il faut rester chez soi quand votre activité n’est pas « indispensable » quel aveu à la fois d’incompétence et d’arrogance, chacun sait dans le domaine de la production qu’il est un rouage, certes petit, mais un rouage essentiel et qu’il lui faut retourner au travail pour sauver son pays, notre pays.

Mais en ayant supprimé ces logorrhées contradictoires où il ne faut rien faire tout en continuant à travailler grâce à la magie du télétravail, il est de la responsabilité du gouvernement de poser des questions à l'industrie :

1 -     Y a-t-il des médicaments susceptibles de contrer ce virus : Sanofi est-il prêt à relancer la production de son produit chloroquine ?

2 -     Y-a-t-il des industriels qui peuvent faire des masques ?  La réponse est oui, depuis deux mois, mais qui doit prendre l’initiative et qui paie les chaines de montage ?

3 -     Y-a-t-il des tests susceptibles de rassurer les ouvriers en usine de la proximité ou non de camarades infectés ? La réponse est encore oui, mais il faut mettre des moyens avec des commandes fermes et une logistique.

4 -     Y-a-t-il des respirateurs disponibles et peut-on en fabriquer rapidement à partir de matériels autres usages existants ou imprimantes 3 D ? La réponse est, une nouvelle fois, oui mais il faut des demandes précises. On sait que le personnel médical compétent sera alors le problème.

5 -     Peut-on réaliser rapidement des gels hydro alcooliques : on sait que dans chaque département c’est en train de se faire !

L’industrie est prête à relever les défis du pays, mais pour le coronavirus comme pour la marche de l’économie, elle a besoin d’une politique gouvernementale cohérente et déterminée avec des responsabilités claires. Les industriels n’ont pas besoin de savoir s’ils vont donner ou non une prime de mille euros à ceux qui vont travailler, tout le monde a envie de travailler pour notre pays, ils ont besoin que dans les usines les ouvriers et techniciens se sentent protégés du virus par l’ensemble des équipements dont les hôpitaux ont aussi besoin. La gestion de la pénurie telle qu’elle apparait aujourd’hui est proprement insupportable pour tous les acteurs de la production industrielle qui savent que ce qu’ils demandent : solutions, tenues, masques, lunettes, est tout à fait à la portée d’un pays industriel et organisé comme le nôtre. C’est le manque d’anticipation et la distance mise entre l’hôpital et l’industrie qui a créé le tohu-bohu actuel. Que les médecins hospitaliers ne pensent pas que l’arrêt complet de l’industrie française sera d’un quelconque secours devant les problèmes qu’ils rencontrent, c’est avec leur industrie, au contraire, que l’on peut les résoudre comme on vient de le voir en Corée du Sud comme à Taiwan. Et, il ne sert à rien de continuer à morigéner la population française et de la menacer de sanctions, il faut d’abord la protéger.    

Tags:
industries stratégiques