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Brexit : l'héritage de Cecil Rhodes

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11 février, 2020
Note
Jean-Luc Baslé


Brexit ne fait pas sens. Comment l’expliquer ? Serait-ce une colossale bévue de David Cameron ? Peut-être. Mais, dans sa longue histoire, l’Angleterre ne nous a pas habitué à ce genre d’erreur, hormis le Stamp Act de George III en 1765.

 


Cecil John Rhodes  (5 juillet 1853 - 26 mars 1902)

L’Empire britannique s’est imposé au monde après Waterloo. Il s’est effondré en 1947 avec l’indépendance de l’Inde pour être remplacé par l’Empire américain. L’élite anglo-saxonne de ces deux empires conduit le monde depuis 1815. Elle se divise en trois groupes : les fondateurs du Round Table ou Milner Group, disciples de Cecil Rhodes, les héritiers de Franklin Roosevelt et de son vice-président Henry Wallace, et les disciples d’Allen Dulles, premier directeur de la CIA, aujourd’hui appelés néoconservateurs. Dans son testament, Cecil Rhodes écrivit : « Je vais travailler pour le développement de l'Empire britannique, pour amener l'ensemble du monde civilisé sous la domination britannique, pour la reconquête des États-Unis d'Amérique, pour placer le monde anglo-saxon au sein d'un seul Empire… ». Brexit est le fruit des « rhodésiens ». C’est aussi une opération machiavélique et une chimère.   

Les Brexiteurs sont des deux côtés de la scène politique. On les trouve à gauche dans les comtés où le produit intérieur brut par habitant est le plus bas, et à droite où il est le plus élevé. Mais les motivations des deux groupes diffèrent. Violemment secoués par la mondialisation qui a supprimé leurs emplois, et le néolibéralisme qui réduit leurs avantages sociaux, les électeurs du Yorkshire, du Lancashire ou du Lincolnshire ont saisi l’occasion qui leur était donnée d’exprimer leur dissatisfaction, sinon leur colère. Ils ont répondu « non » à la question qui leur était posée. Ils auraient dit « non » à toute question, tant leur frustration était grande. Les Brexiteurs de droite ont habilement joué sur ce sentiment. Lors de son dernier discours au Parlement européen, Nigel Farage, chef de file des Brexiteurs, a déclaré « vous détestez le populisme mais je vais vous dire quelque chose de drôle, il est de plus en plus populaire ».

Les Brexiteurs de droite viendraient-ils au secours des classes défavorisées ? Non, c’est un pur calcul politique. Nigel Farage, Boris Johnson, David Cameron et bien d’autres membres de l’élite Brexit sont des disciples de Cecil Rhodes – cet oxfordien, aventurier, fondateur de la Rhodésie – convaincu de la supériorité de la race anglo-saxonne qu’il considère destinée à conduire le monde. En 1920, ses disciples fondèrent le Royal Institute of International Affairs, connu sous le nom de Chatham House. Un an plus tard, ils créèrent son homologue américain, le Council of Foreign Relations. Ces deux organisations exercent une influence considérable sur la politique étrangère de leur pays respectif. Cette élite rejette l’Union européenne non pour de sordides questions d’argent mais parce qu’elle s’oppose au rêve « rhodésien ».  

Qu’en pensent les Américains ? Barack Obama est allé à Londres pour inciter les Britanniques à voter contre le Brexit. En tant que métis, il ne peut croire à la supériorité d’une race, quelle qu’elle soit. Donald Trump s’est réjoui de la victoire des Brexiteurs. Mais son « Keep America Great » exclut toute soumission à l’ancien colonisateur. Quant aux néoconservateurs, il est clair que si une puissance anglo-saxonne doit dominer le monde, elle ne peut qu’être américaine.

Brexit est une illusion.

NB : cet article ne peut en aucun cas être considéré comme une caution donnée à l’Union européenne qui, comme l’a mentionné le volubile Farage, a de sérieux problèmes. La solution réside dans l’Europe des nations, jadis prônée par Charles De Gaulle.

Jean-Luc Baslé

Tags:
brexit; union européenne