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Situation actuelle des groupes islamistes en Syrie

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30 décembre, 2015
Veille
Dr Marcin Styszynski


Les derniers événements au Proche-Orient peuvent changer le cours de la guerre dans la région, car les différents groupes islamistes envisagent une nouvelle donne politique. La situation actuelle renvoie à la mort de Zahran Aloush, le chef de Jaish al-Islam (L'Armée de l'Islam) tué vendredi dernier par une frappe aérienne de l'armée russe.

Jaish al-Islam est l'un des plus importants membres de la coalition islamiste Jabhat al-Islamiyya (Le Front Islamique) qui a été établi en 2013 et se compose de différents groupes salafistes comme Ahrar al-Sham (Les libres du Levant), Liwa al-Tawhid, (Armée de l'Unicité), Suqour al-Sham (Les Aigles du Levant) ou Liwa al-Haq (L'Armée de la Vérité). Le nombre de combattants du Front Islamique est estimé entre 50 000 et 80 000. En outre, la coalition est soutenue par les pays du Golfe, la Turquie et l'Occident ;  elle est considérée comme une force alternative contre les combattants de Jabhat al-Nusra (Le Front al-Nosra), affilié à al-Qaida ainsi que ceux de l'organisation de l'Etat islamique (EI).

Le décès de Zahran Aloush coïncide avec la dernière réunion de l'opposition islamiste qui a eu lieu début décembre à Riyad au cours de laquelle les représentants de différents groupes, y compris Jabhat al-Islamiyya, ont élaboré le scénario des négociations avec le régime d'al-Assad.

L'attaque russe contre Jaish al-Islam montre les divergences entre les membres de la coalition anti-terroriste internationale qui ne coordonnent pas leurs actions militaires et qui suivent leurs propres intérêts politiques. La situation pourrait accroître également des tensions entre les différents pays engagés dans la crise syrienne.

Les frappes contre Jabhat al-Islamiyya ont également coïncidé avec le dernier manifeste d'Abou Bakr al-Baghdadi, dans lequel il se concentre sur la bataille syrienne. Les médias occidentaux ont fait état des menaces d'al-Baghdadi contre Israël, cependant le chef de l'EI a mis en évidence d'autres points très importants. Il affirme que les forces arabes et occidentales ont créé un front uni contre l'EI et qu'elles mènent une nouvelle croisade contre les communautés musulmanes dans la région. Dans son discours, al-Baghdadi divise le champ de bataille syrien en deux fronts principaux : les «infidèles» (forces arabes, iraniennes, russes et occidentales) et «combattants fidèles » (groupes islamistes de la région).

Les menaces contre Israël deviennent pour al-Baghdadi un exemple symbolique ou mythique de l'hostilité qui encourage tous les insurgés à s'unir et à faire face à l'ennemi commun représenté par les pays régionaux et occidentaux. Selon al-Baghdadi, la lutte contre l'ennemi est une obligation pour tous les insurgés islamistes dans le monde. Dans le contexte des événements actuels, il leur demande de rejoindre le champ de bataille.

Al-Baghdadi prépare également ses disciples à une confrontation totale. En effet, le chef de l'EI ne s'exprime publiquement que lors de circonstances importantes. C'était le cas lors de son sermon symbolique dans la principale mosquée de Mossoul pendant le Ramadan 2014 où il a officiellement annoncé l'établissement du Califat. Dans son discours, du 25 décembre 2015, le chef de l'EI reprend des significations symboliques similaires.

En réalité, l'EI essaie de profiter, à la fois, des pertes subies par les autres groupes islamistes et des divergences entre les membres de la coalition anti-terroriste internationale. Une autre partie de son discours a consisté à encourager les combattants du djihad à récupérer les régions stratégiques perdues, comme la province de Ramadi en Irak, reconquise par les autorités irakiennes.

Néanmoins, la déstabilisation des groupes islamistes pourraient pousser les combattants à opérer un rapprochement entre différents bataillons pour confronter l'ennemi commun, c'est à dire l'Occident et les pays arabo-musulmans, l'Iran et la Russie. Auparavant les groupes islamistes étaient divisés selon leurs alliances et l'attitude envers leurs protecteurs et leurs alliés mais après ces derniers évènements, ils sont devenus plus méfiants et plus déterminés à créer un front unifié.

La prochaine alliance islamiste, sous le nom de l'EI ou sous un nouveau nom, pourrait devenir une organisation plus forte, mieux organisée et plus efficace. En outre, la réponse militaire commune à tous les groupes islamistes en Syrie, sans distinctions idéologiques ou stratégiques, pourrait donner une raison à des insurgés locaux de créer un front unifié.