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La RDC dans une situation exceptionnelle

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20 octobre, 2017
Entretien
Leslie Varenne


Eve Bazaïba, secrétaire général du Mouvement de Libération du Congo (MLC) parti de Jean-Pierre Bemba, emprisonné à la Haye depuis neuf ans, a accordé un entretien à l'IVERIS. Elle revient sur la situation politique en RDC et sur les dernières révélations de la CPI.

 

 

Le mandat de Joseph Kabila est terminé depuis le 19 décembre 2016, cependant il se maintient toujours au pouvoir et l'élection présidentielle est, encore reportée, en 2019 cette fois, bafouant ainsi les accords conclus entre l'opposition et le gouvernement. La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a décrété qu'elle avait besoin de 504 jours pour organiser les élections, mais pourquoi cette annonce de 504 jours pourquoi pas 502 ? La précision de ce chiffre sur une date aussi lointaine n'est-elle pas grotesque ?

C'est effectivement grotesque, la CENI et le Président se moquent des populations, le MLC propose d'organiser l'élection dans 200 jours et nous pouvons démontrer que cela est possible techniquement mais nous savons bien qu'il n'y aura pas d'élection ni en 2019, ni en 2020, ni en 2021. Au passage, il serait bon d'auditer cette structure pour faire toute la lumière sur sa gestion financière particulièrement opaque.
 Dans la situation où nous sommes, un soulèvement populaire est toujours possible même si la répression en 2014 et 2015 a été très importante. En prime, la découverte de fosses communes, la situation dramatique dans le Kasaï et dans l'Est du Congo crée une atmosphère macabre, un climat de terreur. A cela il faut ajouter l'appauvrissement de l'opposition parlementaire qui cumule trois mois d'impayés ce qui rend certains députés encore plus vulnérables à la corruption.  

Nous sommes dans une séquence exceptionnelle qui nécessite des mesures exceptionnelles. La situation actuelle est pire que sous le régime de Mobutu, l'entourage de Joseph Kabila s'est enrichi dans des proportions beaucoup plus importantes que celles en cours sous le maréchal-président et les populations se sont appauvries dans les mêmes proportions. Sous l'ère Mobutu, il y avait une répression sévère mais il n'y a jamais eu de massacres de masse comme il en existe aujourd'hui. Nos partenaires nous disent « débarrassez-vous de votre Président », mais ce n'est pas nous qui avons créé le monstre. Nous n'avons jamais cru en Joseph Kabila, un homme sortit du néant. Après le meurtre de son père en 2001, c'est Jacques Chirac qui l'a adoubé en l'appelant le premier : « Président », alors qu'il n'était même pas encore désigné pour conduire une transition. Les partenaires occidentaux ont vu un bon élève docile et malléable, en 2002, lors des accords de Sun City, les mêmes nous ont dit « tout est négociable, sauf Joseph Kabila », ils voulaient le placer au-dessus de la mêlée, ils le soutenaient. En 2006, il ne gagne pas les élections, en 2011 non plus. Aujourd'hui le Président congolais dispose de moyens conséquents, il a les capacités financières, les capacités militaires, le carnet d'adresses et il se retourne contre tous. Mais ce sont les partenaires occidentaux qui l'ont créé, Joseph Kabila n'a jamais eu et n'aura jamais le soutien des Congolais.

Quelle aide l'opposition peut-elle trouver auprès des acteurs régionaux ?

Depuis le début de son arrivée au pouvoir, Joseph Kabila a des liens forts et étroits avec le Rwanda et l'Ouganda, donc il n'y a rien à attendre de ce côté-là. L'Angola ne semble plus prête à apporter un soutien inconditionnel au Président, mais pour l'instant le pays le plus nocif c'est l'Afrique du Sud, avec le Président Zuma qui défend son homologue congolais de manière ostentatoire.

Jean-Pierre Bemba a été arrêté en Belgique en mai 2008, puis transféré à la Haye en juillet de cette même année. Son procès a duré quatre ans et il s'est déroulé d'une manière tout aussi stupéfiante d'un point de vue juridique que celui de Laurent Gbagbo, comment réagissez-vous aux révélations de Mediapart ?

Nous sommes satisfaits de ces révélations car elles nous donnent raison. Le bureau du procureur n'a jamais apporté d'éléments au-delà de tout doute raisonnable montrant que Jean-Pierre Bemba est responsable des exactions qui ont eu lieu en République Centrafricaine. La guerre dans ce pays a opposé les Présidents Patassé et Bozizé, ils n'ont jamais été inquiétés, seul le Président du MLC a été inculpé. Le procureur Ocampo n'a pas instruit à charge et à décharge en violation de l'article 54 du statut de Rome. A ce jour une vingtaine de témoins ont saisi le greffe de la Cour parce que le Procureur leur avait demandé d'accuser Jean-Pierre Bemba en échange d'avantages. A la fin de son mandat Ocampo a bouté dehors les témoins qui réclamaient leurs dus. La procureure actuelle, Fatou Bensouda, ne veut pas entendre parler de ces personnes, sous prétexte qu'elle n'a pas participé au deal, alors qu'elle a collaboré aux enquêtes et qu'elle était l'adjointe de Luis Moreno Ocampo. Autre fait extrêmement grave, Jean-Pierre Bemba a été placé sous écoute et tous les éléments sont à la disposition du bureau du procureur, ce qui est parfaitement illégal. Cette affaire n'est pas terminée, la défense de Jean-Pierre Bemba a interjeté appel et nous avons tous les éléments à notre disposition pour démontrer combien cette Cour a été partiale. Nous avons dénoncé toutes ces manipulations, dont le seul but consistait à écarter Jean-Pierre Bemba de la scène politique congolaise afin de laisser Joseph Kabila gouverner sans opposant. Nous voyons aujourd'hui où cela a mené la RDC.

 

 

 

 

 

 

 

 

Tags:
afrique, rdc