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La justice française refuse d’extrader un criminel de guerre kosovar

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09 mai, 2017
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Dinah Lee


Ramush Haradinaj, ancien commandant de la rébellion albanaise de l'UÇK pendant la guerre du Kosovo, a été interpellé en France en janvier dernier, suite à un mandat d'arrêt international lancé par la Serbie à son encontre en 2004 pour crimes de guerre. Le 27 avril dernier, la Cour d'appel de Colmar a refusé son extradition ; la Serbie, elle, a rappelé son ambassadeur pour consultation. Il revient désormais au gouvernement français de statuer sur son extradition.

Ramush Haradinaj

 

Ce n'est pas la première fois que Ramush Haradinaj est accusé de crimes de guerre. Déjà en 2005, le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) l'avait inculpé avec pas moins de 17 chefs d'accusation pour crimes contre l'humanité, et 20 pour violations des lois de la guerre. Pendant le conflit au Kosovo (1998-1999), Ramush Haradinaj était le commandant de l'UÇK dans la région stratégique de Dukagjini au sud, à la frontière avec l'Albanie. Cette région fut l'une des plus meurtries par la guerre, marquée par une campagne de terreur contre les civils serbes, roms et albanais.

Dans son livre "La Traque, les criminels de guerre et moi", l'ancienne procureure du TPIY, Carla del Ponte, dénonce un procès tronqué. Lors de son inculpation, Ramush Haradinaj était le Premier Ministre du Kosovo et bénéficiait d'un fort soutien diplomatique des chancelleries britannique et américaine, mais aussi de Soren Jessen-Peterssen, à la tête de la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK), qui déplora publiquement son départ pour un tribunal…. de l'ONU ! Contre l'avis de l'accusation, Ramush Haradinaj a obtenu la liberté conditionnelle et même l'autorisation de poursuivre ses activités politiques, notamment pour les négociations concernant le futur statut du Kosovo. Sinistre message envoyé aux témoins qui oseraient éventuellement se dresser contre l'un des plus grands commandants de l'UÇK et puissants hommes politiques kosovars, dans une minuscule région où sévit déjà l'omerta.

Sans surprise, de nombreux témoins se sont rétractés, d'autres furent menacés, et neuf témoins furent assassinés ou sont décédés dans des conditions suspectes. Ramush Haradinaj fut acquitté en 2008. Ce jugement peu glorieux a vite été suivi d'une nouvelle inculpation en 2010 par le TPIY, puis d'un nouvel acquittement.

Longtemps cachés sous le tapis, les crimes de l'UÇK, soutenu pendant la guerre par les pays de l'OTAN, ne cessent de remonter à la surface. En 2011, un rapport de l'homme politique suisse Dick Marty pour le Conseil de l'Europe fait trembler les anciens rebelles de l'UÇK devenus responsables politiques, et en premier lieu l'homme fort du Kosovo, Hashim Thaçi. Le rapport dénonce les sévisses, dont un trafic d'organes, de civils serbes et albanais détenus dans des centres secrets de l'UÇK pendant et après la guerre du Kosovo. Suite au scandale de ce rapport, un nouveau Tribunal spécial pour les crimes de l'UÇK a été constitué à la Haye et devrait émettre ses premières accusations dans les prochains mois.

Le gouvernement français décidera-t-il d'extrader Ramush Haradinaj ? Choisira-t-il la justice pour les victimes oubliées du conflit au Kosovo ou l'impunité pour un criminel de guerre ?